Apparté

octobre 27, 2009 at 12:13 (Uncategorized) (, )

Je laisse la sexualité pour un moment.

Dans certains articles précédents, j’ai parlé des adolescentes, du web et des nouveaux médias, comment elles s’exposent, se découvrent, se mettent à nu, montrent leurs corps. Je m’en voudrais de ne couvrir que cette facette des filles qui peut sembler négative, ou à réprimander. Alors je vais parler d’une autre facette des filles, celle qu’on voit moins souvent dans les médias.

Si j’étais absente la semaine dernière, c’est parce que j’animais d’un camp de leadership pour des filles de 16 à 24 ans. Ces participantes qui proviennent de tous les coins du Canada font partie des communautés les plus marginalisées du pays : sur 20 participantes, 6 provenaient des Premières Nations (dont 2 Inuits), 10 étaient immigrantes, réfugiées et/ou racialisées, 2 avaient des handicaps, plusieurs ne se définissaient pas comme hétérosexuelles. Pour reprendre l’expression d’Olivia, elles sont le stigmate.

Que fait-on avec le stigmate? On le manipule. On le fait taire. On l’ignore.

Pour contrer tout cela, on leur a donné des enregistreuses, et on leur a appris à faire de la baladodiffusion. Pour qu’elles aient leurs voix et qu’elle soit entendue. Parce qu’il semble que le seul endroit qui permette que la voix du stigmate puisse exister est internet. Les filles ont d’ailleurs exprimé le fait qu’elles aiment ne pas se sentir représentées dans les médias: ça les pousse à trouver les moyens pour se représenter elles-mêmes, de manières un peu alternatives.

Je reviens finalement à la sexualité (il y a toujours un lien quelque part). Une des filles – appellons-la S. – a immigré de Birmanie avec ses parents il y a 5 ans. À 18 ans, elle partage sa vie entre le travail et l’église, entre sa religion restrictive et des valeurs nouvelles qui ne rejoignent pas celles de sa  famille. S. cache un stigmate : celui de la perte de sa virginité. Elle m’a confié ne pouvoir en parler à personne, ni même sa meilleure amie, à cause de la menace d’exclusion. Elle voudrait avoir un espace pour en parler, discuter avec des gens qui sont dans sa situation, aider d’autres jeunes filles comme elle. La réponse semble évidente : elle va faire de la baladiffusion, pour créer une communauté d’aide au-delà des territoires.

Je vous laisse sur ce vidéo qu’une des filles a réalisé, quand elle avait 13 ans:

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Confessions d’une âme perdue

octobre 17, 2009 at 11:08 (Uncategorized) (, , , , , )

J’ai une confession à faire : je ne crois pas en l’âme.

Comme je l’ai dit précédemment, je ne crois pas en une essence humaine. Il n’en demeure pas moins que j’estime l’être humain fondamentalement incarné : c’est-à-dire pas seulement habitant un corps, mais étant un corps. Je crois que si nous possédons quelque conscience, elle est logée dans nos membres, notre peau, notre ADN, notre cerveau. Et que sans nos corps, rien de subsiste.

 D’après Kurzweil dans son entrevue radiophonique, l’amélioration des technologies biologiques et des nanotechnologies en plus de l’alliage entre le corps humain et la machine nous rendrons immortels. Cet intérêt à défier la mort par l’amélioration de la biologie montre bien sa suprématie : c’est le corps qui doit être amélioré afin de supporter éternellement l’humanité. C’est l’amalgame entre la biologie et le technologique qui crée l’immortel posthumain, et non l’évacuation du biologique. Même en ne ressentant aucune douleur et en résistant à toutes les attaques pour survivre éternellement, le corps reste cette entité qui porte non seulement l’identité et la reconnaissance face aux autres mais aussi les perception et surtout les désirs, ce qui nous amène vers plus loin.

 Est-ce que la technologie crée une nouvelle réalité? Sadi nous a rappelé à ce sujet les paroles de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée ». L’atteinte de l’immortalité serait bien la création d’une nouvelle réalité et pourtant, je reste convaincue que la limite de la technologie est celle de la biologie. Même en améliorant nos corps à l’infini, poussés par un désir de perfection sans mesure, il me semble que nos gènes et nos cellules restent les limites de ce que notre identité, notre réalité, peuvent être.

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Nature, culture, technologie et sexualités

octobre 12, 2009 at 5:30 (Uncategorized) (, , , , , , )

Dans mon article ‘Quand la fiction revient réalité’, je me demandais si nous pourrions remettre en question le statut ‘vivant’ de l’humanité si les êtres humains se mettaient à tomber amoureux d’images fictives, et donc, auraient des comportements qui empêchent la reproduction. Il s’agissait d’une question rhétorique, puisque les êtres humains expérimentent déjà diverses pratiques anti-reproductives qui ne remettent pas pour autant en question le fait que les humains sont vivants. En fait, ces pratiques s’avèrent caractériser les sexualités actuelles du monde occidental (la partie pas trop conservatrice disons) ; les plus courantes seraient l’avortement et la contraception. La sexualité est un domaine de la vie humaine où s’entrechoquent la nature et la culture, ou autrement dit, les pulsions reproductives et les outils technologiques qui nous permettent de vivre ces pulsions, sans en subir les conséquences.

Pendant toutes mes études féministes, on m’a appris à me méfier – voire radicalement rejeter – toutes les théories qui reposent sur un état de nature, puisque ce sont elles qui ont justifié le plus souvent une position de subordonnée pour les femmes. Ex. : « Les femmes font les enfants, donc qu’elles restent à la maison, donc qu’elles soient confinées à l’espace privé, donc qu’elles soient inférieures dans tous les domaines de la vie. » Si ce genre de raisonnement est dangereux à cause des conséquences qu’il a amenées, il reste réducteur de nier certains faits biologiques. S’il y a bien un fait humain indiscutable que la technologie n’est pas arrivée à changer, c’est bien le fait que les femmes font les enfants. Est-ce une raison pour qu’elles soient confinées à l’espace privé? Non. Par contre, ce que la technologie est arrivée à changer, c’est la suprématie de la reproduction, d’un état de nature.

J’aime bien le vidéo qu’Olivia  a mis en ligne parce qu’il montre bien comment le contrôle de nos pulsions fait intrinsèquement partie de l’humanité. Il s’agit donc de dire que même dans un état naturel, non seulement la pulsion reproductive peut être contrôlée, mais elle peut aussi être complexifiée au point qu’elle n’a plus de sens. Effectivement, comment penser dans ce contexte les vécus de ceux et celles qui vivent diverses formes d’orientations et d’identités sexuelles ? Comment penser l’homosexualité, la bisexualité, la pansexualité, l’intersexualité, la transsexualité? Ces expériences n’ont pas de place dans un système binaire et apparemment naturel où les rôles et comportements des hommes et des femmes sont enfermés dans des cadres restrictifs dont l’aboutissement ultime est la procréation.

Il ne s’agit pourtant pas de dire que les personnes LGBTQ diminuent la reproduction. Dans les cas où les personnes vivant ces expériences ont le désir de vivre et mettre en action des pulsions reproductives que leurs pratiques ne leur permettent pas de réaliser biologiquement, la technologie peut alors pallier à ces différences. Mon objectif ici est plutôt de remettre en question l’idée même d’un état naturel qui dicterait certains comportements à adopter. Dans la mesure où le contrôle de soi et la technologie sont des composantes intrinsèquement liées à nos vies et nos sexualités, est-il encore possible de poser un état naturel comme base théorique lorsqu’il s’agit de mener des réflexions sur les sexualités? S’agit-il d’un domaine plus ‘naturel’ que les autres ?

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La vie privée de Miley Cyrus

octobre 12, 2009 at 4:22 (Uncategorized) (, , , , )

Je lisais cet article sur Miley Cyrus en tentant de confirmer ou infirmer mon hypothèse selon laquelle les adolescentes d’aujourd’hui sont plus à l’aise que la génération précédente de se trouver sur la fine ligne entre la privé et le public. Si je n’ai pas encore de réponse définitive, je crois qu’il vaut la peine d’étudier son cas, parce que si Miley a vécu sous les projecteurs toute sa vie et elle n’est donc pas une adolescente comme toutes les autres, elle semble par contre expérimenter à une plus grande échelle ce que d’autres font devant des publics plus restreints.

Pour résumer rapidement pour ceux qui ne sont pas familiers avec la culture populaire adolescente (je ne vous en veux pas), Miley Cyrus est surtout connue pour être la vedette d’Hannah Montana. La jeune fille qui aura 17 ans en novembre prochain a déjà fait éclater un certain nombre de scandales.

En 2008 pour avoir posé dos nu pour Vanity Fair:

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En 2009 pour avoir tenu un poteau de dance aux Teens Choice Awards:

Jusqu’à maintenant, il n’y a pas une grande différence entre Miley et les autres jeunes vedettes populaires dont le pouvoir d’agir est discutable et qui semblent surtout prises dans l’engrenage de la célébrité. Montrer de la peau, être sexualisée, ça fait vendre, et ça ne date pas d’hier. Qui a véritablement choisi d’exposer le dos de la jeune fille qui avait alors 15 ans? Elle-même? Le photographe? Son agent? La revue? La même question est à se poser dans le cas de la performance aux Teens Choice Awards. Pour ces raisons, j’évite habituellement de critiquer trop durement ces jeunes vedettes qui sont le plus souvent dépossédées de leurs existence (le cas Britney Spears qui a vécu publiquement une dépression est sans doute le plus extrême).

Mais ce qui est intéressant avec Miley, ce sont les moments où elle explore elle-même les limites entre privé et public, sans que les machines de média et de marketing soient en place. Dans le cas de cette photo qui a circulé sur internet en juin 2009, Miley prend une photo d’elle-même qui était destinée à son amoureux.

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En un mot, elle agit comme un nombre incalculable d’adolescentes qui testent les limites des nouveaux médias. Dans le cas de Miley, sa célébrité l’expose et sa notion de la vie privée semble différente que celles des ‘gens normaux’. Pourtant, si je pense aux cas anonymes que j’ai mentionné dans mon autre article, il me semble que pour ces filles également, la notion de vie privée prend un autre sens que celui qu’on pourrait imaginer et la réponse n’est pas évidente. Est-ce qu’envoyer une photo de soi à son amoureux est public? Est-ce que la vie est publique à partir du moment où l’on laisse des traces? Tout ou presque serait public dans ce cas… devons-nous assumer que chaque geste que nous faisons peut être vu par n’importe qui ? Jusqu’à un certain point, nous acceptons de laisser des traces lorsque nous allons à la banque et à l’aéroport parce qu’il s’agit supposément de sécurité, mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit d’exposer les lieux intimes de notre identité : nos corps et nos sexualités? Comment résister à un mouvement d’ensemble qui expose tous les domaines de nos existences d’un coup?

Bien qu’elle se soit elle-même mise dans cette situation, il ne semble pas que Miley Cyrus vive cette exposition si facilement. Elle a récemment décidé de se réapproprier sa vie privée et donc, elle a fermé son compter Twitter et a mis un vidéo sur YouTube pour l’annoncer:

Il peut sembler particulier d’annoncer sur YouTube que dorénavant, notre vie privée le restera. Pourtant, j’apprécie ce vidéo parce qu’il est pourri et semble avoir été réalisé par Miley et ses amies, afin de se réapproprier une dernière petite parcelle d’existence: son compte Twitter. Dans ce sens, elle agit comme tant d’autres d’entre nous pour lesquels la seule manière de contrôler une partie de notre vie privée est de ne pas être sur Facebook et Twitter, comme s’il s’agissait du dernier lieu de résistance.

En quittant l’espace des célébrités pour amener la question vers une autre direction, un problème vient alors se poser. Puisque Twitter et Facebook deviennent les lieux par excellence du réseautage, que les sites de rencontre deviennent pour de plus en plus de personnes l’endroit où rencontrer, que se passe-t-il lorsqu’on y résiste? Refuser de jouer le jeu de la séduction et du réseautage en ligne reviendra-t-il éventuellement à refuser de jouer le jeu des banques et des aéroports, c’est-à-dire se retirer de l’espace social? Comment arriver à naviguer entre le privé et le public sans trop s’exposer, ni pour autant disparaître?

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Quand la fiction devient réalité

octobre 10, 2009 at 12:20 (Uncategorized) (, , , , , , )

 Savita Bhabhi est l’héroïne de la première bande dessinée en ligne érotique indienne. Elle met en scène les aventures d’une femme mariée (comme le montrent son sari traditionnel, son bindi et son mangalsutra) qui s’adonne à des aventures de passage, comme son mari est le plus souvent absent. Comme on peut le lire sur ce site

 « Savita Bhabhi » est un savant mélange de traditions et de valeurs transgressées.

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Bien que des milliers de sites pornographiques soient accessibles en Inde, le gouvernement indien a bloqué l’accès au site de Savita Bhabhi en juin 2009, s’appuyant sur des lois anti-pornographies du pays. Malgré l’interdiction, Savita Bhabhi est resté un des sites les plus populaires du pays, et marque de plus en plus sa présence sur le web, notamment sur Wikipédia, Facebook et Twitter. Les fans revendiquent la levée de la censure, débattent des raisons de l’interdiction et partagent des astuces pour accéder au site tout en s’échangeant des pdfs de la bande-dessinée.

Cette histoire montre bien que les internautes restent maîtres sur la Toile. Une méthode efficace de censure ne semble pas être prête à être implantée sur Internet. Mais plus encore, il est intéressant d’étudier les raisons qui ont poussé les autorités indiennes à interdire ce site en particulier, parmi tant d’autres. Alors que certains ont pointé du doigt la mauvaise influence qu’amène le personnage et la transgression de valeurs traditionnelles, il me semble plutôt que ce qui a tant choqué chez Savita Bhabhi, c’est bien son réalisme. Elle n’est pas étrangère : comme les autres femmes du pays, elle porte son sari, son bindi… Si elle peut se permettre l’adultère et l’inceste, qu’est-ce qui empêche toutes les femmes du pays d’en faire autant? Qu’est-ce qui empêche tous les hommes de s’adonner à des aventures de passage? D’aimer et de désirer un personnage qui vit dans leurs ordinateurs, mais qui est exactement comme eux ? Contrairement aux autres personnages pornographiques diffusés dans le pays, Savita Bhabhi est aussi indienne que ceux qui l’admirent. Son existence est aussi réelle que celle d’une amie, d’une amante. Entre elle et ses admirateurs, il y a effacement du rapport d’altérité.

Lorsque nous avons visionné en classe le vidéo sur la réalité virtuelle dont j’ai oublié le titre, j’ai été agacée par l’absence de cette composante dans le discours qui était présenté. Je me répétais que, malgré le fait que les personnages virtuels qui nous entourent font partie de nos vies, nous savons bien qu’ils ne sont pas ‘nous’. Comme nos animaux de compagnie, nous pouvons les aimer et pourtant, nous n’en sommes pas amoureux. En parallèle avec ses réflexions, je me suis interrogée sur la définition de l’humain dans le contexte des transformations corporelles. J’en suis venue à me dire que finalement, est humain qui est reconnu comme tel. Que nos corps en viennent à disparaître ou que des ailes nous soient greffées au dos, les êtres humains sont un groupe social qui se reconnaît comme Même, eu égard d’une quelconque essence, qu’elle soit corporelle ou logée dans la conscience. C’est d’ailleurs le processus qui est à l’oeuvre dans ‘L’île du Dr. Moreau’. Lorsque Prendick croit que les créatures qui habitent l’île étaient originellement des humains, il juge horribles et innacceptables les expériences du Dr. Moreau. Lorsqu’ils sont de la même espèce que lui, il compatit à leurs souffrances. Lorsque Prendick apprend qu’il s’agit plutôt du contraire, le discours qu’il porte sur ces créatures est tout autre. Dorénavant considérés comme des monstres, ces personnages doivent être dominés et peuvent être tués sans autre procès : ils sont Autres.

 Pour revenir à Savita Bhabhi, que se passe-t-il lorsque des personnages fictifs sont reconnus comme Mêmes, comme des êtres humains? Le sont-ils pour autant? Ayant toujours vécu dans un monde de représentations, est-ce que l’humain peut encore à faire la différence? Si les personnages virtuels sont considérés comme humains, non seulement peuvent-ils être objet de désir, mais aussi objet d’amour. Des êtres sans corps peuvent-ils être objets d’amour? La survivance des gènes est annihilée, l’espèce en vient à jouer contre elle-même. Puisque la reproduction fait partie des critères intrinsèques à la définition du vivant, comment qualifier l’humanité ? Est-elle même vivante?

Je me laisse une fois de plus emporter. Pourtant, lorsque j’ai ouvert Twitter ce matin, Marge Simpson était le premier ‘trending topic’. Environ une heure plus tard, 1500 gazouillis supplémentaires avaient été rédigés à son sujet. En novembre 2009, la couverture de Playboy sera pour la première fois dédiée à un personnage animé :

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Les adolescentes dans le web 2.0

octobre 1, 2009 at 9:27 (Uncategorized) (, , , )

Dans des commentaires précédement échangés avec Macmaitre, nous avons effleuré la question des filles et j’avais promis d’y revenir. Puisque nous en étions venus à cette question en parlant de pornographie, il serait facile de faire le glissement vers le discours de l’hypersexualisation. Mais d’abord, c’est un discours auquel je n’adhère pas, et ensuite, il semble que les adolescentes d’aujourd’hui explorent leurs corps et leurs sexualités d’une manière innovatrice avec les nouveaux médias, d’une façon qui peut être déroutante pour les adultes.

L’année dernière, ma collègue Jessica et moi  (avec laquelle nous travaillons à Authentik Magazine, une revue par et pour les filles) avons participé à un carnaval de blogues pendant lequel nous nous sommes justement interrogées sur la présence des filles sur internet (quand je parle de filles, je parle d’adolescentes). Si d’une part, plusieurs « blogues de filles » sont écrits par des gens qui ne sont pas des filles, mais bien des femmes (dans la jeune trentaine), d’autre part, lorsqu’elles sont véritablement représentées, les filles sont souvent mise en faute. Comme le remarquait Jessica, on leur reproche de s’exposer sur Facebook ou même de faire de la pornographie infantile, comme dans le cas de cette adolescente qui a envoyé par texto une photo d’elle nue.

Ces situations soulèvent à mon sens celle de l’exposition, puisqu’il semble que les adultes soient mal à l’aise devant la mise en public des corps et des vies de ces adolescentes qui, contrairement aux représentations traditionnelles, se dévoilent d’elles-mêmes, comme elles le souhaitent. Effectivement, la ligne est ambigüe entre privé et public dans les médias sociaux. Il est facile d’ainsi taxer ces filles d’ignorance en supposant qu’elles souhaitaient rester dans le domaine privé et auraient malencontreusement échoué dans la sphère publique. Il me semble pourtant que ces filles aient grandi dans un monde où cette ambivalence était déjà établie, et peut-être sont-elles tout simplement à l’aise à l’idée de naviguer sur la fine frontière entre public et privé.

D’autre part, il semble que l’ouverture de l’espace démocratique du web 2.0 permette l’émergence de la voix particulière des adolescentes, laquelle n’était pas originellement entendue. Une des adolescentes avec laquelle je travaille fait des vidéos avec sa  webcam qu’elle publie sur son profil Facebook. Quant au site The Girl Project, il permet à de jeunes américaines de prendre la caméra et faire entendre leur voix.  Celui-ci sensibilise les ados à la mise à l’action par les médias technologiques. La particulatié du web semble ainsi de pouvoir être aisément investi par des voix individuelles, amenant du même fait cette parole dans l’espace public.

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La science est-elle neutre?

octobre 1, 2009 at 8:24 (Uncategorized) (, , , )

Puisque nous nous sommes interrogés cette semaine sur les rapports de pouvoir de la science et la technologie, je voudrais souligner l’existence de cette bande-dessinée sur l’histoire des femmes scientifiques, Dignifying Science. Merci à cet article de BitchBlog pour l’info!

  DIGNIFYINGcover

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La machine et soi

octobre 1, 2009 at 8:15 (Uncategorized) (, , , )

Dans mon entrée précédente, je me demandais ce qui se produirait si nos corps en venaient à disparaître, considérant les prédictions de certains penseurs comme Marvin Minsky qui souhaitent  la technologisation de la chair jusqu’à ce que les êtres humains soient libérés de celle-ci et son inéluctable finalité. Pourtant, est-ce que les êtres humains sont prêts à laisser aller si facilement leur corporéité ?

Comme je l’ai dit dans mon autre article, une grande part de notre identité est ancrée dans nos corps. Effectivement, une conception cartésienne de l’identité où le corps et l’esprit son deux instances séparées et où cette dernière est supérieure à la première est le plus souvent récusée. Au contraire, et ce depuis le début du vingtième siècle, des travaux de chercheurs autant en neurologie, en psychologie qu’en psychanalyse (Henry Head, Schilder, Merleau-Ponty, Françoise Dolto) en sont venus à élaborer sur le concept d’image du corps, c’est-à-dire la représentation mentale du corps du sujet, qui change selon ses interractions et son positionnement avec les autres, les modifications du corps et évidemment, la perception que le sujet a de lui-même. L’image du corps est donc véritablement une carte mentale que ce que nous sommes en tant qu’individu, notre identité corporelle.

Si l’image du corps a une certaine élasticité, elle peut aussi vivre des troubles et distorsions, tout comme elle peut refuser d’intégrer des modifications. Les troubles de l’image du corps, lorsque celle-ci n’est pas en accord avec les autres composantes identitaires du sujets, entraînent des conséquences qui peuvent être graves. Les troubles alimentaires en sont un exemple, mais aussi l’utilisation excessive de chirurgies esthétiques, des crises de panique et de subjectivité ou même la non-reconnaissance de soi, ou d’une partie de soi, comme appartenant à son identité.

L’image du corps devient une composante particulièrement importante pour ceux qui subissent des greffes, puisque si la plasticité de cette image mentale est préalablement travaillée afin de recevoir un organe étranger en soi, les chances de rejet diminuent grandement. Sinon, la présence de l’autre en soi peut être intolérable. À l’opposé, quelqu’un qui subit une amputation sentira  et souffrira de son membre disparu jusqu’à ce que son image du corps ait accepté cette disparition.

Quel est le lien entre l’image du corps et la technologie?

D’abord, afin réaffirmer que les corps ne pourraient totalement disparaître sans conséquences pour les êtres humains. Mais j’imagine qu’on était d’accord là-dessus.

Au cours de nos discussions, réflexions et lectures, on voit bien comment les changements techonologiques entraînent des modifications quant à la perception que les êtres humains ont de leurs corps. On estime que la machine est plus organique, que les frontières se brouillent entre le vivant et l’inerte. D’une part, les modifications telles que le tatoutage, les chirurgies, la musculation peuvent apparaître comme des manières de rendre nos corps plus vivants, de les différencier de la machine. D’autre part, la matérialité s’estompe, les corps s’avèrent inutiles, décevants. Les simulacres corporels tendent vers un leurre parfait, suggérant prochainement l’union transgressive entre ce qui est vivant et ce qui ne l’est pas, provoquant nécessairement une angoisse d’inquiétante étrangeté. Face à tous ces boulversements, j’avoue que je suis souvent confuse par rapport aux nouvelles articulations que prennent ces perceptions corporelles. Quelles sont les implications quotidiennes, ici et maintenant, de ces changements? Comment pallier à cette angoisse? J’ai pensé que le concept d’image du corps pourrait peut-être donner quelques explications.

Je me permets une anecdote. En blague, je dis parfois à un ami (qui est aussi la personne qui m’a enseigné le concept que je décris ici) que son ordinateur portable fait partie de son image du corps. On trouve ça très drôle … Puis j’en suis venue à penser que cette idée venait justement traduire cette angoisse de l’union entre l’humain et la machine. L’identification dont font preuve les ordinateurs personnels est telle que pour certains d’entre nous, il est impensable  d’effectuer sans eux nos tâches quotidiennes. Sans eux, nous pouvons nous sentir déchirés, incomplets, en manque. Il ne s’agit pas de parler simplement d’un lien d’amour et de confiance tel que transposé à un objet de désir, mais bien d’une identification totale où le lien d’altérité s’estompe. Où l’autre devient soi.

Serait-il possible que nos ordinateurs personnels puissent être intégrés à nos images du corps? Nul besoin de technologiser les corps, d’en changer les parties et d’y injecter hormones et manipulations génétiques : suffit d’élargir la perception de soi au point où elle inclut la machine. Dès lors, celle-ci n’est plus outil, mais ancrage identitaire.

Ça peut sembler une idée farfelue… comme peut être farfelue l’idée que nos corps disparaissent. Pourtant, il reste que les frontières s’effacent, les perceptions se modifient et les mots ne sont pas toujours suffisants pour décrire ces changements qui se déroulent si rapidement qu’il est parfois difficile de les nommer. Je continue de chercher, j’espère trouver d’ici la fin de la session …

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