Le corps virtuel

novembre 9, 2009 at 3:36 (Uncategorized) (, , )

Comme j’aime bien le répéter, le corps est pour moi un ancrage identitaire primordial et on ne peut pas l’abandonner si facilement. Alors qu’on nous demande si Internet permet d’aller au-delà du corps et nous libérer de sa matérialité, M. Dyens reconnaît lui-même les angoisses liées à la perte de l’intégrité corporelle. Si on suit l’idée selon laquelle le corps va éventuellement disparaître dans le monde virtuel, comment seront réglées ces angoisses ? Comment l’humain pourra-t-il être transformé au point de ne plus avoir de cerveau, de peau, et par extention, d’identité?

J’écrivais dans mon article «Du corps du texte au discours virtuel» que la voix est à mon sens la composante corporelle qui se prolonge dans le monde virtuel d’Internet. Comme c’était le cas dans le film La Jetée, il me semble que même si des fantasmes et des composantes identitaires peuvent être projetés dans  des mondes virtuels où la matérialité n’est plus, il reste toujours un ancrage corporel, un seuil où les angoisses vieilles comme l’espèce nous tiennent, et nous emprisonnent aussi sans doute. Peut-être que comme le dit M. Dyens le corps est-il le lieu de toutes les oppressions. Il est aussi, d’un autre côté, le lieu de toutes les jouissances. Il est facile de vouloir laisser tomber l’oppression, mais qu’en est-il de l’euphorie, de l’extase? Peut-être vouloir se débarasser du corps reviendrait-il à faire une résintox d’héroïne. Ce n’est pas impossible, mais ce n’est pas si facile non plus.

Les anthropologues parlent de l’être humain comme n’étant rien de plus qu’un animal social. Les lectures que nous avons faites jusqu’à présent en lien avec la biologie, les gènes et les pulsions montrent bien que nous sommes, peut-être plus souvent que nous le croyons, contrôlés par des envies et des mécanismes non seulement dictés par nos corps, mais aussi, tout en nous dépassant et nous contrôlant, ils font ce que nous sommes.

Peut-être restons-nous fidèles à notre humanité parce que nous ne connaissons pas autre chose. Ou alors, nous ne pouvons pas imaginer autre chose. Ou même, nous ne pouvons pas être autre chose.

J’ai beaucoup parlé de sexualité ici, et comment la technologie en change ses rapports, principalement parce qu’il est difficile de prétendre à ce point-ci qu’elle n’a que des fonctions reproductives. Animaux sociaux et êtres sexués, les êtres humains vivent leurs pulsions et leurs angoisses tout en ayant la plupart du temps peur de les regarder en face. Pas étonnant dans ce cas qu’Internet devienne le lieu de prédilection d’exploitation de ces fantasmes. Pas étonnant non plus qu’il ait immédiatement exploité les ressoures de l’industrie pornographique… Mais même en ne se limitant pas au simple cas de la pornographie, la question demeure : qu’advient-il du désir sans corps pour le porter?

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